Et voilà, 4 ans après le lancement de la Fourmilière (à une semaine près) j’ai baissé le rideau… Pas les bras, non non, le rideau !
Tout d’abord, je voulais te remercier (moment remise des Oscars), j’ai reçu pleins de mails et je n’ai pas eu le temps de répondre à tout le monde, alors merci :
de me lire,
de m’avoir soutenu pendant ces 4 années,
d’avoir commandé,
de m’avoir aidé à construire ce projet,
de m’avoir fait confiance,
de m’avoir payé des bières et fait des biscuits (vraiment, dans quel métier on se fait offrir des biscuits fait maison 🤩? C’est trop bon / beau)
En 4 ans, il s’est passé pleins de choses. Je ne pourrais jamais tout raconté sans faire un livre (et il n’y a pas réellement d’intérêt à en faire livre) alors, je te propose un résumé. Accroche ta ceinture, on va décoller !
Le point de départ : rien.
Pas tout à fait, j’avais depuis mes 15 ans envie de faire quelque chose autour des circuits courts, créer du lien entre les producteurs et les consommateurs.
À côté de ça, je n’avais aucune connaissance du rétail (vente au détail), de l'e-commerce, du conditionnement, des achats, de la logistique… La com’ et le marketing sont des concepts que j’avais vaguement vus à l’école (c’est le problème de l’école, tout était beaucoup trop vague pour moi 😅). Et la compta, euh… oui, je maitrise un peu mieux, disons qu’en fermant la boite, j’ai appris 1000 x plus qu’en la construisant.
Alors, avril 2019, j’ai quitté mon boulot, j’ai pris mon petit baluchon, et je suis partie bille en tête ! À mon habitude, j’y vais sans me poser de question, avec mes gros sabots, je taille la pierre grossièrement et j’affinerai après. Et… il m’en est arrivé des mésaventures !
J’ai appris :
à réparer un ballon d’eau chaude,
à faire de l’électricité,
à monter un abri en bois,
à monter, démonter, remonter, redémonter, réparer…. une pompe de relevage,
à réparer un robinet,
à réparer à peu près toutes les machines sur place.
À ce stade-là, je suis devenue Bob le bricoleur 👩🔧 !





J’ai aussi appris :
à créer un site internet (oui, sache qu’un site plante toujours le dimanche soir, quand tout le monde veut passer sa commande, mais que personne ne peut le réparer),
à faire des photos (la veille de l’ouverture, 17 novembre 2019, on avait 0 photos des 200 produits et aucune idée de comment les faire, parce que faire une photo, ce n’est pas si simple surtout quand tu vends que sur photo).
à faire une base de données et à tout automatiser pour t’en faire ton propre logiciel (😳).
En 4 ans
On est passé de 200 à 1 500 produits.
On est passé de 1 à 5 personnes.
On a mis en place un deuxième point de retrait.
Je me suis construit un réseau de professionnels sans connaitre personne (ah oui, j’ai monté ma boite à Caen alors que j’y habitais depuis 9 mois, je ne connaissais personne - ne fais pas ça !)
J’ai créé un concept / une marque (tu t’es déjà fait alpaguer dans un magasin avec les bocaux de La Fourmilière ? Moi, oui)
Mis en place un plan sanitaire pour s’assurer que les règles d’hygiène étaient respectées.
Et bien plus encore…
Jamais je n’aurais pensé être capable de faire tout ça avant de le faire !
De 1 à 5 personnes ? On en parle !
Le management est vraiment le plus dur, nous sommes des humains qui interagissent avec des humains.
C’est le domaine dans lequel j’ai fait le plus d’erreur, où j’ai le plus appris (et dans lequel j’apprendrais toute ma vie).
J’ai rencontré des personnes exceptionnelles, chacune d’entre elle a apporté une pierre à l’édifice. Chacune !
J’ai appris que tout le monde ne voulait pas être entrepreneur (😅) et ça change beaucoup sur mon management. Je l’ai appris assez tard, j’ai mal accompagné des personnes qui pouvaient apporter beaucoup plus à l’entreprise.
Chacun a un vrai rôle dans l’entreprise. Il faut savoir que l’on prend beaucoup de risque à chaque fois que l’on fait rentrer une personne : on prend du temps pour la former, on investit pour que cette personne trouve sa place dans l’entreprise, on investit pour que cette personne soit opérationnelle. Que ce soit un stage, un apprentissage, un CDD ou un CDI. Si tu es salarié ou apprenti ou stagiaire, ne minimise pas ta place dans l’entreprise, dès lors que tu y as mis un pied, tu as ta pierre à apporter au projet.
Dès que j’ai commencé à intégrer du monde dans mon équipe, j’ai eu beaucoup plus d’indulgence envers mes anciens manageurs 😅 J’ai compris leurs enjeux !
J’ai adoré travailler avec France Terre d’Asile qui m’a permis de rencontrer des personnes avec des situations à 1000 lieux de notre cocon et qui nous font changer notre vision du monde.
Ok, c’est beau tout ça, mais pourquoi avoir fermé ?
Pour faire du rétail, ou de la vente au détail, il faut faire des grosses quantités ou de grosse marge. Mon modèle était fragile, et toute saisonnalité le mettait en péril (vacances, baisse d’activité).
Notre organisation tenait sur un fil et le variable d’ajustement, c’était moi (grosse erreur, ne pas se payer et bosser de 7h à 22h, ce n’est pas possible !). Il suffit d’un caillou, pour que tout capote !
Mon caillou, ou le point de départ :
Les casiers à Bayeux, ça ne fonctionnait pas, et j’ai mis trop de temps à me dire qu’il fallait arrêter cette ville.
Je décide de bouger ce point de retrait, ça tombe bien, une amie m’avait proposé de les mettre devant ses bureaux. Ok, ça me va.
“Quand est-ce que je peux m’installer ?
- quand tu veux !
- ok, je viens la semaine prochaine”
Lundi après-midi, on arrive avec les casiers :
“Mais, il est où l’abri ?
- Ah, il n’est pas monté, mais tu peux les poser et mettre une bâche”
L’installation valait 36 000 €, non, on ne met pas une bâche dessus ! On les met à la Fourmilière le temps de construire l’abri.
Lundi suivant :
“La voisine a porté plainte quand on a monté l’abri”
Je demande à la banque de suspendre le crédit le temps que le point de vente soit à nouveau en marche : “non”.
Un mois après :
“la mairie a refusé que l’on monte l’abri”
Me voilà en mai à essayer de trouver un nouveau lieu pour poser mes casiers. Les charges fixes sont toujours là, mais pas de revenu en face ! J’enchaine les nuits blanches.
Pendant ce temps-là, l’équipe se réduit : une personne décide d’arrêter son contrat d’apprentissage pour avoir un job d’été, puis une autre de changer de voix. On se retrouve à 2 avec Marcus.
Début août, les casiers sont installés à Cauvicourt, mais tout ce temps sans rentrée d’argent a consommé la trésorerie et je ne peux pas investir dans un recrutement.
Je craque
Je démarre septembre à bout, même si Marcus est toujours là et fait beaucoup, je fais le travail de 4 autres personnes. Je craque !
Fin septembre, je fais le point avec d’autres chefs d’entreprises à qui j’expose toute la situation.
Le marché se porte mal et je vois bien qu’à deux, nous ne pourrons jamais tenir la barre. Il est temps de faire une pause et de prendre un peu temps pour tout repenser, prendre de recul et prendre des décisions avec lucidité.
Je décide d’aller voir le tribunal de commerce, j’ai mis quelques semaines à y aller parce que le mot “tribunal” fait horriblement peur.
J’ai l’impression de ne pas avoir su gérer ma boite et d’aller devant une cour pour que l’on me jette des peaux de banane.
Pourtant, j’y suis allée en toute transparence et avec un dossier complet. On a pris le temps d’analyser la situation et de trouver la meilleure solution pour construire la suite.
J’ai été bien conseillée et orientée vers les bonnes personnes.
L’objectif du TC est que l’économie fonctionne et d’aider les entreprises. Je pense que si j’avais compris cela dès le début, j’aurais été plus rapidement au TC et cela aurait peut-être changé la situation.
Avant de fermer, j’aide Marcus à trouver un nouveau contrat.
Le fait d’opter pour une liquidation n’est pas un aveu d’échec, ni une fin en soi. C’est une des phases les plus enrichissantes de l’entrepreneuriat. On voit les conséquences directes de nos choix.




Que se passe-t-il aujourd’hui ?
Pour le moment, je reprends pied petit à petit. On m’a beaucoup dit de me reposer, ce n’est pas si simple :
tout d’abord parce que j’adore travailler (oui 😅),
le vide me fait peur (je panique à l’idée de n’avoir rien prévu pour une journée 😬)
et surtout, je n’ai aucune source de revenu. Quand on est à son compte, on ne cotise pas pour le chômage (et ça, ça fait partie des leçons que je retiens de cette première expérience entrepreneuriale). Je dois encore réparer les pots cassés. (la vraie vie quoi 😂)
Pour le moment, je choisis des courtes missions (je suis incapable de me projeter sur du long terme). Je travaille notamment dans le milieu du cheval, retour à mes premiers amours (c’est cool d’être dehors et de travailler avec des animaux).
Et je continue cette newsletter, bien sûr 🫶 !
La suite ?
J’ai déjà pleins de petites idées, je m’étais interdit de travailler dessus en décembre. J’avais besoin de laisser mon cerveau en off quelque temps. Mais… là, je peux ressortir mon cahier et griffonner quelques idées pour la suite 😏
J’ai pleins d’idées qui bouillonnent, dans des milieux très différents (sport, musique…), mais, plus que tout, j’adore mon métier : créer du lien entre les producteurs et les consommateurs !
Avant de te laisser
J’ai presque fini, mais je voulais que tu saches que la mission me fait vibrer : je peux m’emporter parce que je dois expliquer que des agriculteurs ne sont pas payés dignement alors que leur métier consiste à nous nourrir. Je pense toujours que c’est un non-sens, mais je pense que je me suis laissé noyer par cet objectif. Je ne l’ai pas mis en corrélation avec la réalité sociale et économique dans laquelle on vit. (Attention, je ne veux pas dire que c’est normal de ne pas payer nos agriculteurs, je dis simplement que j’ai mal abordé le problème !).
Comme je le disais en introduction, je n’ai pas baissé les bras, seulement le rideau !
C’est d’actualité, puisque 2024 pointe le bout de son nez : tous mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année, qu’elle t’apporte bonne bouffe, gratitude, respect et 1001 aventures !
Belle semaine 🌈
-Axelle